Pro ou amateur : quelle différence ?
Les uns sont souvent opposĂ©s aux autres. Ătre qualifiĂ© dâamateur est souvent gage de lĂ©gĂšretĂ©, de qualitĂ© moindre, au contraire dâun.e professionnel.le qui serait gage dâune certaine qualitĂ©.
Et pourtant le terme dâamateur, vient du verbe aimer. Ătre un amateur de quelque chose, câest donc en premier lieu en avoir lâamour. Dans le domaine culturel et artistique, il est donc probable que nombre de professionnels soient de vĂ©ritables amateurs ! Alors que le/la professionnel.le câest celui ou celle qui fait lâaction de “se donner comme”, qui se dĂ©clare (toujours dâaprĂšs lâĂ©tymologie). Donc celle ou celui qui dit de soi « je suis comĂ©dien.ne » fait acte dâĂȘtre acteur/actrice professionnel.le.

Certes aujourdâhui, les deux termes revĂȘtent des rĂ©alitĂ©s diffĂ©rentes en terme dâemploi du temps. Le/la professionnel.le est en thĂ©orie celle ou celui qui va passer le plus de temps, sâentraĂźner, chercher Ă exceller dans son domaine au contraire de lâamateur qui ne peut y consacrer quâune part rĂ©duite de son agenda.
Il Ă©tait en mĂȘme temps une Ă©poque oĂč les amateurs Ă©voluaient aux cĂŽtĂ©s des professionnels, oĂč chacun sâenrichissait de lâautre. Par exemple dans le théùtre, il y avait des compagnies mĂȘlant les deux. Il y avait des amateurs qui Ă©voluaient dans des circuits professionnels et jouissaient dâune grande reconnaissance. Par exemple la troupe de théùtre antique de lâuniversitĂ© de la sorbonne dans les annĂ©es 50/60. Plusieurs immenses metteurs en scĂšne qui ont commencĂ© dans ces annĂ©es-lĂ viennent du théùtre amateur (Roger Planchon, Ariane MnouchkineâŠ) En tout cas, câest dâabord par une troupe amateur quâils ont commencĂ©.
Quand jâĂ©tais enfant, dans les annĂ©es 80, jâai plusieurs souvenirs de troupes mĂȘlant les amateurs et les professionnels au sein dâun mĂȘme spectacle, dâune mĂȘme aventure et de piĂšces jouĂ©es par des amateurs Ă©voluant dans des circuits dits professionnels. Pour en avoir cĂŽtoyĂ© de prĂšs certaines, je me souviens de trĂšs beaux moments, trĂšs joyeux et trĂšs libres.
Ce modĂšle-lĂ a disparu. Il est presque impossible aujourdâhui. Câest ce que montre trĂšs bien Franck Lepage dans ses confĂ©rences gesticulĂ©es. Lâart a remplacĂ© la culture et est devenu le domaine des professionnels. Si vous montez une aventure collective de professionnel et dâamateurs, ce sera alors du « socio-culturel » et les lignes de financements ne sont pas les mĂȘmes. Allez voir la DRAC, la rĂ©gion et ses comitĂ©s dâexpert en leur soumettant un tel projet. Le soutien financier quâils octroieront ne sera pas du tout le mĂȘme, Ă part dans des cas trĂšs spĂ©cifiques.
Alors aujourdâhui, on aboutit au paradoxe oĂč un certain nombre de professionnels travaillant sans rĂ©munĂ©ration ou trĂšs peu, rĂ©munĂ©rĂ©s par des ateliers ou leur intermittence. Mais ils sont professionnels, ou se dĂ©clarent comme tels, dans lâespoir dâaccĂ©der Ă des circuits de diffusion ou des financements. En rĂ©alitĂ© est-ce que ce sont des « pros » ou des amateurs ? Est-ce quâil faut prendre le marqueur de la rĂ©munĂ©ration ? Et puis quâils soient lâun ou lâautre, dans quelle mesure cela prĂ©sage de la qualitĂ© de leur proposition artistique ? En tout cas cela pose la question du financement de la pratique artistique et de sa professionnalisation.