Comment travailler le lâcher prise avec le théâtre

C’est le Graal de notre époque à en croire le nombre de publications sur le sujet. Comment relâcher un peu l’étreinte de notre conscient, de nos craintes, sur nos actes et comment être dans le moment présent ? Comment faire disparaître sa crainte du regard des autres, de leur jugement ? C’est la quête de nombreuses personnes et qui se résume dans le terme de lâcher-prise. Le théâtre peut apporter quelques éléments de réponse dans cette recherche.

La base de l’art du comédien

Je suis persuadé que la capacité de lâcher prise, de se détendre,  est la compétence fondamentale d’une comédienne ou d’un comédien. C’est ce que je cherche à obtenir pendant les premières séances de mes ateliers. Rien n’est pire que quand on se regarde jouer, qu’on se limite dans son jeu, sa voix ou ses émotions par crainte du regard des autres, qu’on cherche à plaire au public parce qu’on manque de confiance, qu’on a beaucoup de mal à accepter les remarques du metteur en scène sans se sentir remis en cause. Je crois qu’on est tous passé par-là. Le lâcher-prise est donc un socle indispensable pour les comédiens, primordial pour la maîtrise des techniques du jeu théâtral. Les acteurs se doivent d’être disponible. L’esprit doit être dégagé, le corps libre de toutes tensions inutiles. C’est indispensable pour éviter toute blessure dès que le théâtre est physique, pour être précis, pour préserver sa voix et la projeter. L’acteur doit pouvoir rebondir aux propositions de ses partenaires de jeu, improviser, être sensible au public et adapter son rythme de jeu à l’attention du public. Sans y réfléchir. Il doit pouvoir toucher à toute une palette d’émotion, en ressentant, sans chercher à montrer. Tout ça est impossible sans être capable de lâcher prise, d’entre dans le jeu, comme des enfants, être dans le « flow » de la représentation.

Un principe simple

En fait, la difficulté c’est de ne pas se préoccuper de ce qui va arriver. On peut certes se dire que notre vie n’est pas en jeu, mais souvent ça ne suffit pas ! Le principe fondamental est de retrouver le présent, comme les enfants y arrivent 80 % du temps. Le fameux moment présent de toutes les solutions de développement personnel. Et c’est vrai. Le théâtre nous apprend à être dans ce moment présent. Des techniques simples existent notamment en passant par le corps. Mais aussi en cherchant le ludique et en se dépensant. 

4 techniques éprouvées

Pour oublier ses préoccupations , se centrer sur soi et sur le moment présent afin d’être ouvert aux autres et à ce qui se passe, ces 4 techniques sont efficaces :

La première des techniques ne vient pas du théâtre. Il s’agit de rechercher à éprouver l’ici et maintenant par la pleine conscience. C’est d’ailleurs une des bases du développement personnel. Différentes postures sont possible : allongé, assis, debout. Les yeux fermés, c’est mieux. Prenez 3 grandes respirations, puis respirez normalement, sans rien forcer. Ressentez votre respiration, en étant conscient du moment d’inspiration et de celui d’expiration. Après une dizaine de respiration, effectuez un scan de l’intégralité de votre corps, de la tête aux pieds. Prenez conscience de chacune de vos zones de tensions dans le corps. Ne cherchez pas à les modifier, ou les détendre, prenez simplement conscience des zones où une tension existe. A partir de là repérez les zones de tension dans votre esprit : quelles sont vos craintes ? Nommez les simplement sans chercher à les résoudre, les expliquer. Accueillez-les avec tendresse. En souriant. Ces craintes sont là, elles existent, elles ne sont pas pour autant la réalité. Vous avez un sourire bienveillant à votre égard. Puis revenez à votre respiration, aux bruits que vous entendez, aux sensations sur la peau, pendant quelques minutes, avant de rouvrir les yeux. Cet exercice dure une dizaine de minutes et est très efficace pour déconnecter de ses soucis J’aime bien commencer une séance de théâtre par ce petit travail sur soi.

La voix est un bon moyen aussi de lâcher prise. Sans être chanteur ou expérimenté dans la pratique vocale cet exercice est très efficace et a également le mérite de vous chauffer la voix. Commencez par bailler. Plusieurs fois. Amplement. De manière sonore. Prolongez le son du bâillement. Ensuite émettez un son avec très peu d’air. Comme un petit gravillon dans le fond de la gorge (ça fait un son comme ça) . Progressivement mettez de plus en plus d’air dans ce son, ouvrez plus grand la bouche. Ce gravillon se transforme en un « AAAA ». Faites un check corporel : attention à ne pas avoir de tensions dans le cou, les épaules, les trapèzes, quitte à relâcher un peu la tête. Le corps doit être le plus détendu possible. Allez à chaque fois presque au bout du souffle et reprenez votre respiration par le nez. Faites ensuite évoluer le son, en changeant les voyelles, avec des « OOOO », des « IIII », en plaçant dans le nez, dans le fond de la gorge… imaginez progressivement des chants primitifs. Imaginez que vous invoquez des esprits. Que vous êtes dans des temps très anciens. Laissez votre corps suivre la voix et ses inflexions. Amusez-vous !

De la même manière, vous pouvez aussi réinventer des danses primitives. Partez d’une position repliée. Au sol, en boule, et mettez une musique entraînante avec différents rythme comme le concerto pour piano de Rachmaninov. En partant des extrémités du corps, doigts, pieds… commencez à entrer en mouvement, comme si votre corps fabriquait la musique. Progressivement le corps entier entre en mouvement, si possible les yeux fermés. C’est vous qui créez la musique, elle vous emplit. Laissez les mouvements venir. Des pieds, des mains, de la tête, du torse, au sol, à genoux, debout… Imaginez-vous que l’ensemble est un rite sacré ! Et let it be !

Enfin, vous pouvez travailler sur les ralentis. C’est très efficace ! et peut-être plus simple les premières fois. Démarrer debout, les pieds légèrement écartés. La tête relâchée, les bras le long du corps, épaules détendues. Mettez une musique sacrée pour vous accompagner (Ave Maria de Schubert par exemple). Après quelques mesures, les yeux ouverts, déplacez vous dans l’espace, au ralenti. Retenez vos mouvements. Allez jusqu’au bout de ceux-ci, en les tenant. Une tension dans le corps est indispensable. Cet exercice oblige même à cultiver le paradoxe : la tension dans la détente. Ne sont en tension que les parties en mouvement, le reste du corps doit être absolument détendu. Laissez-vous guider par la musique, remplir par elle et ne prêter attention qu’à votre corps (ralenti et tenue du mouvement), sans réfléchir aux gestes que vous allez faire.

Chacun de ces exercices est extrêmement agréable, et on peut bien sûr les enchaîner si on a le temps. Je vous conseille de vous y mettre régulièrement, une dizaine de minute par jour. Je vous promets qu’au bout de quelques semaines, vous serez étonnés par l’amélioration de votre capacité à lâcher prise.

Et vous, comment pratiquez-vous le lâcher prise ?

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